Photo : Henri Cartier
C’est quand
les sacs à dos sont faits, quand le périple est organisé que l’angoisse monte,
affolante. Elle remplit chaque vaisseau pour entrer en contact avec la partie
la plus enfouie et la plus profonde de soi. Elle attaque, intransigeante.
Et si l’inspiration
ne venait pas ? Si même les plus beaux paysages n’y pouvaient plus rien ?
Si la blessure avait fait trop mal ? Si elle avait tout brisé. Jusqu’à
cette force silencieuse qui subsistait. Et si ces évènements récents m’empêchaient
d’avancer entre les lignes sourdes d’une plume qui a maintenant peur de danser
avec le papier.
Tous ces mots,
logés à l’intérieur, prennent de plus en plus de place. Ils m’assaillent. Pour
sortir, pour créer, pour vivre à travers la fiction qu’ils me soufflent. Et
rien. Ils frappent tellement fort à la porte de ma volonté qu’elle reste
muette, faible, tapie. L’angoisse de la page blanche est trop forte. Le trouble
devient conséquent. Personne ne doit savoir. Personne ne doit se douter du côté
sombre… Du commercial qui écrase l’artistique et de ces hommes qui, incapables
de respecter leurs beaux contrats, doivent user de leurs belles paroles devant
la balance de la justice. Mais celle-ci est aveugle. Elle ne verra ni les
larmes, ni l’incompréhension, ni le vide devant l’écriture qui était cette
échappatoire saine sur laquelle pouvait reposer une nouvelle stabilité. Un
vide comme l’œil du cyclone. Tourne et tourne le monde, mais passe à côté.
Attends ton tour. Tu es à l’arrêt, ne sachant comment revenir dans ce
tourbillon ambitieux. Tu deviens banale, sans saveur, sans ces vies trépidantes
que tu pouvais créer comme autant d’existences qui ne seront vécues que par la
fiction. Tu ne fais plus partie des bons, ni des mauvais. Tu t’avères
terriblement incolore, répondant à la norme et à cette tranquillité qui ne te
convient pas.
Tu erres, en
fait. Loin du monde. Angoissée par l’idée que tous ces personnages et toutes
leurs histoires à coucher sur le papier ne parviennent à prendre le contrôle de
ton cerveau et de tes décisions si tu ne leur permets pas de vivre tout de
suite. Si tu ne leur donnes pas leur liberté… Tu les as mis au monde, tu
devrais leur permettre de prendre possession de leur existence. Mais esseulée
et fragilisée par ce contexte chaotique, par ces menaces et ces relations antiprofessionnelles,
tu les gardes pour toi. Tu les emprisonnes, comme toi. De peur qu’ils t’échappent…
De peur qu’autant d’enfants sans défense tombent dans les mains d’adultes mal intentionnés.
À refuser d’ouvrir
la porte de ce jeu où l’inspiration et l’esthétique se mêlent dans une brèche d’inconscience,
la honte ronge le bout de mes rêves. Coupable de laisser mes patients dans leur
salle d’attente interminable, parce que stylos et claviers ne soufflent pas les
paroles rassurantes que j’aurais besoin d’entendre, peut-être mes personnages
finiront-ils par ne plus s’animer ?
hééééééééla
RépondreSupprimerPas question d'arreter d'écrire!
Moi j'attends le prochain roman.
Courage poulette! Tu es vachement forte!
Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. ;)