Bien sûr que je
sais que le bonheur est éphémère, tu me l’as assez répété. Bien sûr que j’ai
entendu que « les histoires d’amour finissent mal en général ». Bien
sûr que l’on m’empêcherait de me bousiller pour sa belle gueule. Bien sûr que
je suis idiote et immature de croire en un conte de fées où le prince prend le
rôle de la vilaine sorcière et transmet son plus mauvais virus dans des cookies
au beurre si doux qu’on en redemanderait pour en gerber. Je sais très bien à
quoi m’attendre, j’ai les pieds sur terre, j’ai le mérite de le croire du moins.
Je n’ai jamais cru que c’était facile de refuser une pomme empoisonnée, alors
j’ai choisi l’autre version : « Ils vécurent malheureux jusqu’à la
fin des temps ». Et alors ? Dois-je être jugée pour ça ? Je l’ai
épousé pour quoi tu crois ? Je savais pertinemment bien qu’il se lasserait
de moi… Qu’il se lasserait de mes manies de mémé à l’esprit juvénile. Qu’il se
lasserait de mes vêtements classes et de mes galeristes. Qu’il se lasserait de
ma façon de parler avec tant et plus de répétitions. On se lasse des enfants…
J’en suis une. Je ne sais pas manger proprement, je boude pour un rien, et je hurle
quand je suis fatiguée. Je suis une gosse ! CQFD. Et puis, tu sais,
j’avoue que j’ai été émerveillée devant ma robe de princesse. Je veux dire par
là que je me sentais différente des autres. C’était une belle illusion.
J’aurais voulu pouvoir faire la différence. Être celle qui le comblerait, après
tout… Puis force est de constater que je ne suis qu’une fille parmi les
dizaines de filles qu’il y a eues. Rien de plus. Je ne fais pas la différence.
Et je m’en veux pour ça. Je suis déçue. Alors évidemment, il me file entre les
doigts… Je voudrais pouvoir le rattraper, le retenir, mais je ne sais pas
comment on fait ! Je ne suis pas une adepte des relations sérieuses où à
mesure du temps il faut réapprendre à se séduire et à se retenir. Notre
relation est superflue, sans profondeur ! Comme tant d’autres. Comment
pourrais-je le garder à mes côtés alors que moi-même je ne me sens pas à la
hauteur de lui demander ? Je m’en veux. Et tu vois, tout ça à cause d’une
once de sentiments… Ça m’est venu comme ça. Parce qu’en réfléchissant, j’ai
compris à quel point ça pourrait me faire mal s’il me quittait. Je n’y avais
jamais pensé auparavant. Jamais. Jamais. Alors la peur s’est imposée. Peur de
perdre cette chose si instable et pourtant si précieuse qui nous comble sans
nous porter la moindre attention. On s’est marié pour un plan cul moral !?
Avoue que c’était une belle idée… Idée puérile et facile. Je suis Madame Udini…
Alias Eden Greenage, lorsque mes tableaux sont exposés. C’est bien. C’est beau.
C’est tout à fait inutile. Et pourtant… je suis persuadée que sans ça, il serait
parti depuis bien longtemps. Au lieu de ça, je m’accroche à un fil ébréché qui,
d’un instant à l’autre, pourrait se rompre et me flanquer sur le sol. Je
tomberais sur les fesses. J’aurais mal au dos du poids des regrets, mal au cœur
de la vertigineuse chute du haut de la passion, mal aux yeux des aiguilles d’un
désespérant soulagement qui se déverserait sur mes joues. Je n’avancerais plus…
Je serais cassée de partout. Me relever ? Avec toute la volonté du monde,
mes bras ne sauraient plus me porter. Et à ton avis, tu crois que j’aurais le
courage de monter au-dessus d'un monument pour prendre la décision trop
importante pour des pensées brisées de me jeter du muret pour voir mon ombre
s’écraser au sol et mourir de mon désarroi ? C’est beaucoup trop d’exigences
que de bien mourir de chagrin…
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