4 nov. 2017

Orphelins

(...) Un silence s’impose entre les deux pères. En tant que parent, ils auraient aimé avoir les clés pour déverrouiller l’âme humaine. Savoir ce que cachaient les colères ou les fuites de leurs enfants. Mais la réalité prenait toujours le dessus avec virulence. La solitude guettait chaque être. Dès leur plus jeune âge, ils apprenaient à l’apprivoiser. Dans leurs discours intérieurs, ils cherchaient à maîtriser la nostalgie lancinante de ce vide palpable. Les contacts avaient beau être réguliers ou improbables, les relations se coloraient des paillettes qu’on lui donnait. Car, même s’ils cherchaient à être présents dans toutes les épreuves de leur quotidien, les parents faisaient naître des orphelins. 

26 août 2017

Par-dessus le précipice...

Par-dessus le précipice, une corde tendue sous les pieds, le tout reste d’avancer. Malgré les ravins qui s’élancent sous ses yeux. Malgré la brise qui voudrait chahuter sa concentration. Malgré l’éternel doute qui tourmente sa volonté. Soulever délicatement le talon en rétablissant l’équilibre sur la jambe qui le porte. Poser la plante du pied et retrouver la stabilité momentanée avant le prochain pas.

Toujours vers l’avant. Même si l’angoisse lui tiraille les entrailles. Seul face à lui-même. Sur ce fil de plus en plus long, preuve de son évolution. Montrer qu’on va toujours plus loin. Au-delà des limites… Funambule claudiquant dans le vide. Proie à ses propres questions. Responsable d’un choix déraisonnable. Il ne peut faire marche arrière… Il perdrait l’équilibre. Il doit rejoindre l’autre côté. Quitte à tout perdre.


S’il parvient à s’en sortir indemne, peut-être laissera-t-il juste sa raison se perdre dans l’abîme… 


18 juil. 2017

Au revoir...

Il hurlait au milieu du grand jardin. Il criait de toutes ses forces. Elle l’avait abandonné, elle aussi. Elle qui était son dernier lien avec l’affection. Comme tous les autres, elle l’avait laissé seul. Il criait. Son visage devenait rouge de colère. Ses yeux crachaient l’encre de tous les mots qu’il ne pouvait contenir. Il était furieux. Furieux et terrorisé. Pourquoi ne s’adressait-elle pas à lui ? Pourquoi ne pouvait-il pas la voir ? Sa gorge se nouait. Ses poings se serraient. Il regardait le ciel, secoué par ses sanglots. Il était perdu, déçu, seul.
Tout à coup, ses cris s’arrêtèrent. Ses muscles se décrispèrent. Il s’apaisa au doux contact de sa joue avec la caresse tendre d’une femme qu’on ne pouvait voir.

Elle ne serait pas partie sans lui dire au revoir.

28 mai 2017

Chuter plus fort...

Dans la paresse d'une matinée sombre où un chaos lancinant martèle tes tempes, tu fuis cette réalité qui avance. Pourvu qu'elle t'abandonne sur le bas-côté sans demander son reste. Là où tu pourras creuser une caverne propice au ficelage de ta chrysalide.

Plus tard, tu le sais, tu pourras retrouver tes imprudences et ta fougue. Les roulements cristallins de ton rire résonneront comme une découverte extraordinaire après des mois de fouille sous une chaleur qui étrangle. Neuf, avide du monde, empreint d'une légèreté à toute épreuve.

Dans cette attente passive au poids de plomb, couvre-toi. Maquille-toi du confort douillet des rêves qui te bercent encore. Plonge la tête la première dans cette illusion douce et turquoise. Tombe. Tombe surtout. Dégringole les marches que tu as mis des semaines à gravir. Reprends aux fondations. Assure-toi qu'elles soient solides. Là, seulement, assure tes appuis et entame l'ascension.


12 avr. 2017

Sur le fil...

Sur le rythme et le fil de ce tango incertain, leurs yeux se croisent et s’interpellent. Elle accroche à ses lèvres un sourire énigmatique. Lui, surpris de cette attention volatile, s’approche de la belle. Ses pas s’emmêlent. Elle a jeté son filet sur sa proie.

Tandis que l’écart diminue, il entame une danse malhabile. Les mains levées, elle le suit, déhanchant subtilement les serpents de ses volants. Comme des aimants, l’attraction les dépasse. Une mince distance sépare encore leurs corps alors que leurs âmes se sont déjà connectées.

Accrochés à cette tentation, dansant au-dessus du vide, leurs regards se plongent dans les profondeurs de leur être. Ils semblent se connaitre depuis toujours. Dans cet instant d’éternité, deux moitiés d’une même âme se sont rejointes. La promesse de cette union les suspend hors du temps, hors du monde, funambules d’un souffle, d’une vie qui respire à pleins poumons le bonheur évident de leur existence.