9 juin 2013

200 émotions à l'heure



            « Nathanaël,

Peut-être avais-tu raison lorsque tu me disais qu’on ne prête attention qu’aux personnes qui ne feraient pas l’effort de nous tendre les bras.
Serait-ce alors nécessaire de croire que ceux qui ne prennent pas la peine de nous rassurer resteront à nos côtés quoi qu’il arrive ? C’est bête. Toutes mes intentions ont viré de bord. Quelque chose me souffle d’emblée de ne plus y croire. Je ne doute même pas. Pas une seconde. Et je déteste ça... D’une minute à l’autre, je passe de rouge de colère à bleue de peur. Il suffit d’un instant et d’une piètre excuse pour que je ravale rage et rancœurs. Pourtant, je m’en veux. J’en ai voulu à tout mon être d’avoir préféré l’insatisfaction du doute au désespoir de l’abandon…
Je voudrais pouvoir m’adresser à n'importe qui, tant ça me pèse sur la poitrine, mais malgré tout je me retiens, tu sais. Parce qu’au fond, moi-même j’ai peur de cette bombe à retardement humaine qui loge à l’intérieur de mon être. Elle m’a armée jusqu’aux dents, estomac ferré et cœur en titane, pour déclarer la guerre à ces grands moments de bonheur qui paraissaient ennemis. Elle est capable de faire de lourds dégâts et de me faire perdre tout. Y compris toi, toi et encore toi...
Dois-je avouer que je suis déçue ? C’est trop tard pour ça. Je dois être "inrassurable", c'est tout. Je dois encore m’être inventé de trop belles illusions par rapport à ce que la réalité apporte vraiment. Mais merde quoi ! J’y croyais, c'est tout. J’aurais voulu être indispensable, fuir cette putain de morsure qui me rongera encore...
Il est temps de grandir, petite.
C’est-à-dire de te fondre dans cette masse informe qui n’évolue pas.
C’est-à-dire te contenter de petites joies parsemées sur ton chemin avant de croire au bonheur chimérique.
C’est-à-dire devenir forte. Sans soutien. Sans paroles tendres et rassurantes. Sans croyance. Avec pour unique fardeau cette putain de solitude qui pèse sur le dos de chaque être humain. Avec pour but de lui laisser la plus infime chance de peser plus lourd. Le destin ne m’échappera pas une seconde fois. Dès que je saisirai la chance qu’il me donne, je ne la laisserai plus s’enfuir.

Je n’y arriverai qu’à des centaines de kilomètres de vous deux. Mon cœur ne supportera plus de vivre à deux-cents émotions à l’heure.

Pardonne-moi.
Eden. »

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